
Eurythmie, Origine, Philosophie
Créateur : Rudolf Steiner

Qu'est-ce que c'est l'Eurythmie ?
L'eurythmie est un art vivant créé par Rudolf Steiner (1861-1925). C'est une danse expressive, un art du mouvement qui trouve sa place dans les arts du spectacle depuis le début du 20ème. C'est également une discipline enseignée aux enfants pour accompagner leur développement esthétique, psychomoteur et social.
“La danse est le premier-né des arts. La musique et la poésie s'écoulent dans le temps ; les arts plastiques et l'architecture modèlent l'espace. Mais la danse vit à la fois dans l'espace et le temps. Avant de confier ses émotions à la pierre, au verbe, au son, l'homme se sert de son propre corps pour organiser l'espace et pour rythmer le temps. " Curt Sachs est un musicologue allemand (1881-1959).
Origine
Le mot "eurythmia" vient du grec. Il peut être traduit par "harmonie des proportions", "mouvement juste et harmonieux", "beau mouvement". (altgr. εὖ eu bon, juste et ῥυθμὀς rhythmόs Rythme, εὐρυθμία situation juste, bonne mesure, harmonie) .
L'eurythmie est nommée dans le livre sur l'Architecture de Vitruve (Architecte, Ier siècle av. J.-C.) . dans les 6 principes du design: "ordinatio" (ordre), "dispositio" (disposition), "eurythmia" (proportion), "symmetria" (symétrie), "decor" et "distributio" (économie). Vitruve a décrit comment, en perfectionnant l'art de la construction, la Grèce antique a donné un sens aux proportions, culminant dans la compréhension des proportions du corps humain (le mot "symmetria" faisait référence à "l'harmonie mathématique" et aux proportions du corps humain et de la nature). Ceci conduit Vitruve à sa définition de l’homme vitruvien, qui sera ultérieurement réactualisé avec Léonard de Vinci et son célèbre dessin: le corps humain inscrit dans le cercle et le carré. On peut y lire: "Aucun temple ne peut avoir un design rationnel, sans symétrie et sans proportion, c'est-à-dire sans avoir une relation proportionnelle exacte avec les membres d'un corps humain."
C'est au début du siècle dernier (à partir de 1911), que l'eurythmie a été développée par Rudolf Steiner (1861–1925), le fondateur de l'Anthroposophie*. Avec l'eurythmie, Steiner a créé entre 1911 et 1925 une langue gestuelle dansée.
Du point de vue de l'histoire de la danse, l'apparition de l'eurythmie peut être mise en relation avec la révolution de la danse scénique et de la conscience corporelle à l'aube du XXe siècle, qui en Amérique, se développa avec entre autres Isadora Duncan, Loïe Fuller et Ruth St. Denis. L'eurythmie apparut à peu près au même moment que la Gymnastique rythmique créée par Émile Jaques-Dalcroze (1865–1950), les formes d'expression dansées de Rudolf Laban (1879–1958), ainsi que d'autres recherches artistiques expressionnistes. On abandonnait l'ancien pour chercher du nouveau .

Premières instructions
Les premières traces de réflexions de Steiner pour un art du mouvement, remontent à 1908. Lors d'une conférence, Rudolf Steiner demanda à Margarita Woloschin, peintre et écrivaine, s'il était possible de traduire par la danse un passage de texte. La réponse de Woloschin fut: « Je crois que tout ce que l'on ressent, on peut le danser ». Elle ne donna pas elle-même de suite à cette initiative. Trois années s'écoulèrent encore avant que Steiner ne donne lui-même le baptême à l'eurythmie. Sa première élève en eurythmie fut Lory Maier-Smits, dont la maman demanda à Steiner s’il était possible d’apprendre un Art du mouvement qui intègre les fondements de l’Anthroposophie, philosophie de vie dont Rudolf Steiner est le fondateur. Les premières indications et les premiers cours étaient liés à la langue, et comment la danser: une simple phrase, en écoutant sa mélodie, son rythme, sa modulation. Peu à peu les indications se poursuivaient en marchant par exemple sur les allitérations.
Lory devait aussi "danser son prénom". Le lien entre le mouvement et la langue donna ainsi les bases de l’Eurythmie. Le 24 septembre 1912 Marie Steiner proposa le nom Eurythmie, que l'on utilise encore aujourd'hui. Lory Maier-Smits a par la suite mis par écrit les indications de Rudolf Steiner et les a retransmises dans son enseignement. Rapidement, d’autres élèves se sont joints à ces cours et ont répété ensemble. L'eurythmie s’est ainsi développée progressivement, principalement à Dornach, en Suisse. L’Eurythmie musicale s’est développée par la suite en lien étroit avec des musiciens. La question de la transmission et d’une pédagogie du mouvement a accompagné le développement de l’Eurythmie dès le début et représente encore aujourd’hui le principal domaine d’application.
Rudolf Steiner appelait l’Eurythmie un Art expressionniste. Elle devait exprimer, rendre visible, la langue, le langage. Exprimer un message, des sentiments, basés sur les sons de la langue, en recherchant le mouvement initial à la création du mot parlé. Ainsi l’Eurythmie n’est pas un langage de signes, avec un codage par signification des mots exprimés, mais une incitation à la recherche artistique du verbe, du son, de la musique. Ainsi toutes les langues du monde peuvent être exprimées en Eurythmie, comme toutes sortes de musique.
Autour de Rudolf Steiner et le premier Goetheanum à Dornach, qui fut construit entre 1913 et 1920, se développaient beaucoup d’activités artistiques : peinture, sculpture, musique, théâtre. Lorsque le Goetheanum fut construit, ce lieu devint la scène principale pour les représentations d’Eurythmie, avec notamment Tatjana Kisseleff.
La mise en scène de pièces diverses au Goetheanum, mais surtout du Faust de Goethe, intégrait rapidement l’Eurythmie, qui devenait ainsi partie intégrante de l’expression scénique, et se développait au fil des répétitions et spectacles jusqu’à nos jours.
Des indications pédagogiques étaient aussi données aux premières élèves qui, elles, transmettaient à leur tour ce qu’elles avaient appris à des groupes enfants.
Un premier livre sur l’Eurythmie rassemble les notes et souvenirs des premières Eurythmistes : les notes du cours dit « Dyonisen » qui eu lieu en septembre 1912, du cours apollinien, en 1915, des discours de spectacles. On y trouve une multitude de renseignements, explications, exercices et indications, principalement sur l’Eurythmie de la parole et des exercices pédagogiques.
L’Eurythmie s’est développée ainsi durant 10 ans autour de Rudolf et Marie Steiner. L’Art de la parole, l’Art de réciter, de déclamer la poésie et l’Art dramatique, devenait indissociable de l'Eurythmie. Des musiciens accompagnaient aussi les cours avec des œuvres du répertoire de musiques classiques et contemporaines. Peu à peu les premières formes (chorégraphiques ) et solos étaient données par Rudolf Steiner. Ces formes étaient créées sur demande des Eurythmistes, pour un morceau donné, et ensuite exercées et montrées dans les spectacles. Il existe aujourd’hui en Eurythmie des centaines de formes dessinées par R.Steiner, qui sont recensées dans une dizaine de livres. Elles forment une base chorégraphique très riche et variée.
En février 1924 fut donné le cycle de l’Eurythmie de la musique, ou de « Toneurythmie », avec 8 conférences accompagné de démonstrations, dans un cercle restreint d’Eurythmistes et d’amis. Et en juin/juillet 1924 le cycle de l’Eurythmie de la Parole, avec 15 conférences à un public plus large. Dans ces cycles sont abordés les éléments principaux de l’Eurythmie.
Une très riche source du développement de l’Eurythmie sont les mémoires, notes et écrits des Eurythmistes ayant suivi son développement dès le début. Plusieurs d’entre elles ont ensuite fondé des écoles professionnelles d’Eurythmie.
Les premières écoles furent fondées en 1924 à Dornach et à Stuttgart. Il en existe aujourd’hui sur tous les continents.
Un art de mouvement unique
L'Eurythmie peut s’inscrire dans une tradition millénaire des arts du spectacle, des Arts Vivants : le spectacle pour transmettre un message conté, joué, chanté, dansé. L’intention est de toucher le public, de l’inspirer, de lui faire vivre un moment merveilleux, vivifiant et stimulant.
Toutes les cultures anciennes rythmaient leur vies avec des fêtes annuelles, des rituels hebdomadaires ou quotidiens. La danse, le chants et la transmission orale comme composante d’un apprentissage vivant fait appel aux intelligences multiples : le mouvement, l’écoute, les émotions, stimulations sensorielles diverses (sons, lumières, couleurs, formes, matières), sociales…
L’ Eurythmie est avant tout un art du mouvement. La musique et la parole (poétique, lyrique, dramatique, épique) sont les principales sources d’inspiration et de support artistiques. L’accompagnement attentif et l’observation en pleine conscience d’un geste, d’un pas, d’un mouvement du groupe en font un art qui demande beaucoup de concentration. La lenteur est exercée, l’écoute (d’un son, de la musique, de la parole, du silence) est cultivée et transcrite en mouvement. Le contenu exprimé (sentiments, émotions, caractère, idées) est coloré avec délicatesse et beaucoup de subtilité en recherchant l’expression juste et adaptée.
L'eurythmie se caractérise par des mouvements fluides, amples, et un langage gestuel très riche et varié. Une grande importance est portée à l'apprentissage de ces gestes si typiques à l’Eurythmie. La beauté est recherchée pour chaque mouvement. Les subtilités d’une expression chaleureuse, colorée et vivante, des imitations subtiles et synchronisations intuitives constituent la recherche permanente de l’acteur Eurythmiste.
L'Eurythmie de la parole
Chaque lettre, chaque son a un mouvement qui lui est propre. En observant la production de la langue parlé, avec le souffle qui traverse le larynx, puis la cavite buccale, avec tous les mouvements induits par les différents muscles, l’air sonore est sculpté pour devenir parole ou chant, cri, chuchotement, siffle, bourdon….
Des textes (poésie, art dramatique, récit) sont transposés en mouvements. Le style, le rythme, la mélodie, le timbre, la grammaire, les sons et le contenu guident l'artiste dans l'expression recherchée. La capacité à exprimer de façon très précise le langage et les sonorités distingue l'eurythmie de nombreuses autres formes rythmiques de scène. L'eurythmiste est invité(e) à trouver sans cesse d'autres gestes.
Des œuvres dramatiques, épiques et lyriques puisant à la poésie de toutes les époques sont représentées en tant que « langage d'âme visible ». Ceci donne lieu aussi bien à des mises en scène chorégraphiques de groupe qu'à des prestations en solo. Une célèbre mise en scène dans laquelle l'eurythmie est mise à contribution est celle de la représentation intégrale du Faust I und II de Goethe, au Goetheanum à Dornach.
L'Eurythmie musicale
Pour l’interprétation des oeuvres musicales demande une étude approfondie des œuvres. Généralement un, ou plusieurs musiciens, accompagnent l'eurythmie. Une collaboration étroite avec ces musiciens est importante. L'époque, le style et la structure du morceau de musique ainsi que la tonalité du morceau donnent la couleur générale (choix par exemple de costumes). Le tempo des mouvements (andante, presto...) ainsi que la dynamique (accélération, décélération), les accentuations, les silences et les pauses sont représentés par les mouvements, gestes et les formes chorégraphiques. La mesure, le rythme, la mélodie et l'harmonie ont des gestes, expressions et mouvements spécifiques. Le ressenti musical (pathos) coule dans les gestes. L’Eurythmie ne recourt à aucune posture préétablie ni à des séquences de mouvements abstraits.
En eurythmie musicale, des déplacements vers l'avant accompagneront des sons plus aigus ou plus forts, et des déplacements vers l'arrière, des sons plus graves ou plus doux. Les changements de rythmes se traduiront par des pas ralentis ou accélérés. L'ensemble d'une représentation consiste en une succession de
formes en lesquelles se reflètent les reprises et les variations de l’oeuvre elle-même. Plusieurs eurythmistes ou groupes d'eurythmistes peuvent effectuer simultanément des formes différentes. Souvent, les différentes voix d'un morceau de musique sont chacune tenues par un groupe ou une personne.
Tenue et costumes
L'eurythmie se pratique avec des vêtements souples et des chaussons souples antidérapants. Un voile, généralement attaché sur les costumes, augmente l’espace de mouvement. Le danseur aiguise ainsi sa perception fine de ses propres mouvements et de l’espace qui l’entoure. La guidance de ce voile (fin) demande beaucoup d'exercice. Pour les spectacles, les couleurs des tenues ainsi que des voiles sont choisies avec soin, et avec l'éclairage changeant, le spectateur est plongé dans un bain de couleurs mouvant.
En plus de la tenue "classique" toutes sortes de tenues peuvent entrer en jeu selon l'expression souhaitée.
Caractéristiques
L’Eurythmie a pour but de former l'expression corporelle et de sensibiliser la perception des mouvements de soi-même et du groupe. Le but est de savoir utiliser son corps comme un instrument d'expression corporelle en cohésion avec le support artistique choisi: les intentions psychiques et cognitives des contenus poétiques (poésie) et de la musique, mais aussi de l'art dramatique. Une transposition d’un contenu audible dans une expression visible.
Voici quelques éléments de bases d’Eurythmie:
Exercices avec des objets
Une des bases de travail pour former son instrument (le corps) consiste à faire (quotidiennement) des exercices avec des objets divers ( canne ou boule en cuivre, bâtons en bois, pierres, tissus etc). Ces exercices, souvent d'ordre gymnique, ont pour but l'échauffement, la précision, la rapidité, l'exactitude, l'agilité et la coordination des mouvements.
Le schéma corporel
Le schéma corporel désigne une représentation plus ou moins consciente du corps, de
sa position dans l'espace, ainsi que de la posture des différents segments corporels. Une conscience accrue de cette "géométrie" du corps et de ses proportions (voir plus haut: Eurythmie dans la Grèce ancienne) est développée par des exercices divers (rythmiques, de coordination, de croisés des membres...). Un exercice de base consiste à reproduire les 6 positions d'un dessin de Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim en relation avec
les proportions du corps et de ses membres sur un cercle, le carré et le pentagramme. Deux de ces positions sont aujourd'hui largement connues par le dessin de l'homme de Vitruve de Leonardo da Vinci.
Formes géométriques chorégraphiés
Une attention particulière est portée à l'étude des formes, géométriques ou libres, transposées au sol et mises en mouvement. L'étude commence par les formes les
plus simples (une droite, une courbe, boucles, vagues, zig-zag) qui sont marchées de manières très diverses (rapide, lente, dynamique). Des formes très complexes sont ensuite élaborées seul ou en groupe pour créer des chorégraphies.
La gestuelle eurythmique
La gestuelle de l’Eurythmie est basée sur l’observation des mouvements du langage (mélodie, rythme, articulation…), de la musique, mais aussi sur les mouvements de la nature comme la pesanteur, le légèreté, mouvements du vent, de l’eau et de la géométrie qui la régit. Cette gestuelle est très complexe, structurée, reconnaissable quand on l’a apprise (comme une langue) et peut se décliner dans des variations infimes, exactement comme les mouvements de notre environnement.
L'apprentissage des gestes de l'Eurythmie prend une grande place et constitue un élément très typique de l’Eurythmie comme genre expressif. Les gestes sont en même temps très précis et modulables à l'infini (de par la vitesse, la taille, le lieu, l'intention) selon l'expression souhaitée.
Les gestes les plus basiques sont des mouvements du corps dans les six directions de l'espace, élévation, contractions et flexions. Il y a des gestes spécifiques pour chaque son de l'alphabet, pour les phonèmes et les diphtongues.
L'expression de la couleur se fait par des gestes et mouvements précis des mains, des bras et du corps entier. Des gestes d'expressions psychiques ou attitudes de caractère s'ajoutent à des positions de la tête ou des pieds.
Dans l'eurythmie musicale on trouve une position de bras pour chaque note, et des mouvements spécifiques pour les intervalles, le rythme, la mélodie, l'harmonie, la mesure et les nuances (forte, piano).
Il y a aussi des gestes très expressifs qui ont été associés à la qualité archétypale des planètes et des signes du zodiaque.
La marche et le pas dansé
Comme dans toutes les danses, il y a un énorme travail de l’art du pas et de la marche.
Un exercice de base est la marche à trois temps: lever ("dérouler” le pied), porter, poser (en commençant par la pointe et en le déroulant sur le sol). C'est une marche très fluide. Cet exercice demande une grande concentration et accompagne l'Eurythmiste durant toute sa vie. Cet exercice de pleine conscience sur les mouvements infimes d’un seul pas peut prendre des dimensions méditatives en observant avec attention chaque petite étape de la marche. La marche et la façon de lever et de poser le pied est modulable à l'infini (expressions psychiques, caractère, lenteur, vitesse, taille des pas, sauts etc.).
L’espace autour du danseur
Le travail d’Eurythmie demande une maîtrise du mouvement et une conscience corporelle accrue. L’espace autour du danseur-eurythmiste, c'est-à-dire l’espace immédiat dans lequel se meuvent les bras, la tête, les jambes, forment une grande boule, ou un œuf tout autour du corps. C’est dans cet espace que les gestes “dessinent” leur langage, leur chant. Pour augmenter la conscience de cet espace autour de l’Eurythmiste, divers exercices ont été développés. Les exercices de cannes par exemple demandent une attention particulière à cet espace. Le voile devient ensuite un accessoire de choix pour rendre plus visible cette trace dans l’environnement autour du corps. Il devient ainsi le moyen d'expression du sentiment et permet une "sculpture" de l'air. La trace du mouvement. l’écriture de bras, des mains.
Chorégraphies libres
Formes, structures, fluidité.
L’Artiste-Eurythmiste est amené à créer des chorégraphies ou programmes de spectacles. Les connaissances de l’Eurythmie, de sa gestuelle, des formes de base, des chorégraphies simples ou complexes, selon le thème, texte, musique choisi, une multitude des possibilités s’ouvrent à la créativité artistique et expressive.
Une spécificité de l’Eurythmie et des Eurythmistes formés, est la capacité de faire bouger des groupes de personnes dans des chorégraphies très élaborées et variées.
L’Eurythmie et son champs d’application
Qui peut la pratiquer?
L'Eurythmie peut se faire à tout âge. Du tout petit enfant aux personnes âgées en adaptant l’accompagnement et les exercices selon l'âge ou la situation, au besoin en étant assis ou en chaise roulante.
Elle est également pratiquée dans des institutions pour personnes porteuses d’un handicap, physique ou mental. Les exercices et l’enseignement peuvent être adaptés à toutes sortes de situations.
L’Eurythmie dans la pédagogie
L’Eurythmie s’est développée en même temps que les école Steiner avec les méthodes et pratiques si typiques de cet enseignement. Cela l’a dotée d’une grande richesse d'exercices, méthodes de travail et de recherches pour accompagner le développement psychomoteur de l’enfant.
Eurythmie dans le plan scolaire Waldorf-Steiner
Dans les écoles Steiner du monde entier elle fait partie intégrante du plan scolaire. L'eurythmie est enseignée du jardin d'enfants jusqu'au lycée à condition d'une ou deux heures par semaine. Les cours ont lieu dans une salle spacieuse, dotée d’un piano pour l’accompagnement musical.
L’enseignement évolue selon l’âge des enfants. L’eurythmie a pour cible non pas certaines connaissances, équivalentes à des acquis fixes, mais une formation esthétique, kinesthésique (ressentir ses propres mouvements) et expressive du mouvement.
L’Eurythmie s’appuie, comme tout le plan scolaire Waldorf-Steiner, sur les trois principes vieux comme la philosophie de Platon : le Bon, le Beau, le Juste (Phèdre). La beauté est recherchée pour les mouvements du propre corps, l’harmonie avec la musique, avec la poésie, mais aussi la beauté qui s’exprime dans l’ensemble dans le groupe en mouvement. En réalité, il s’agit bien d’un art social également, qui, tout en permettant à chaque enfant de se ressentir en lui-même, va développer peu à peu, au fil des exercices proposés, tout un vécu d’expériences sociales au sein de son groupe.
Une des spécificités de l’Eurythmie peut se ressentir quand un groupe classe arrive à se mouvoir de façon fluide, dynamique et harmonieuse, sur une chorégraphie où les formes se forment et se transforment de façon étonnante, tout en faisant des gestes d’une grande complexité.
Les enfants apprennent une multitude de gestes comme l’alphabet, les notes et intervalles musicales, mais aussi des expressions de l’âme, du ressenti, des couleurs, des états subtils de l’être plus philosophiques et spirituels.
Au Jardin d’enfants
Des histoires contées, accompagnées de musique et de mouvements imagés, en incluant de façon ludique, des exercices pour le schéma corporel et la « géographie » corporelle, la coordination, la maîtrise du mouvement des bras et des pieds. Chez le petit cet enseignement est donné entièrement sur la base de l’imitation joyeuse et libre, le professeur veille à créer une ambiance chaleureuse et à l'intégration des enfants.
A l’école primaire
Plus tard, lorsque l’enfant arrive à l’école, le vécu du cercle est un nouvel exemple de la richesse des vécus et métamorphoses possibles : un cercle harmonieux et équilibré, lui apporte la perception de soi-même et du groupe, perception grâce à laquelle l’enfant va aller vers une saisie de soi, de sa créativité. Des exercices plus gymniques, à l’aide d’une canne par exemple, aident au développement et au renforcement harmonieux du système moteur. Des chorégraphies avec des formes géométriques très exigeantes forment les enfants à la spatialisation et à la perception de géométrie en mouvement.
Des spectacles de petites histoires, de poésie, de morceaux de musique ou d’un conte accompagnement cet apprentissage artistique;
Au lycée
Chez les plus âgés, le travail va peu à peu se diversifier, se nuancer, se préciser. Des thèmes qui font résonance au vécu des jeunes à l'aide de divers textes et musiques actuels et de l’héritage culturel de apportent aux jeunes la possibilité de trouver une cohérence entre leurs propres mouvements comme sur la cohérence du groupe.
L’objectif est d’amener les élèves puis les adolescents à saisir pleinement leur potentiel corporel, du mouvement sain et esthétique et à devenir eux-mêmes créatifs.
Le but de cet enseignement est d'apporter à l’enfant durant son enfance un capital d’expériences motrices , qui devient un investissement pour sa vie entière. Le vécu riche en expériences kinesthésiques et imaginatives le nourrira au-delà de sa scolarité. Et les efforts fournis se transformeront en capacité à affirmer sa personnalité à l'âge adulte.
Eurythmie en entreprise
Depuis les années 1980, l'eurythmie s'est aussi développée dans le champ de la vie sociale sous le nom d'eurythmie d'entreprises. Ces séances sont donné parfois dans des groupes importants et des exercices ludiques, souvent en utilisant des objets pour démarrer, créent une cohésion du groupe. Il y a aussi des solutions à trouver ensemble et l'ambiance est souvent “bon enfant” et en même temps concentrée. L'eurythmie est alors utilisé à des fins de pauses créatives, pour stimuler la conscience corporelle et pour augmenter la cohésion sociale des collaborateurs.
Eurythmie-Thérapie
L’Eurythmie-Thérapie, en lien avec la médecine anthroposophique, est utilisée pour des pathologies aiguës, chroniques ou dégénératives du système nerveux, du système circulatoire, du métabolisme ou du système moteur. On l'utilise aussi chez l'enfant pour les problèmes de développement et de handicap, de même que pour les problèmes psycho-somatiques, psychiatriques. Elle est également développée pour les troubles de la vue et de la dentition. L’Eurythmie curative a été développée en 1921 par Rudolf Steiner en collaboration avec Ita Wegman à partir des gestes et des mouvements de l'Eurythmie. L'eurythmie curative est reconnue en Allemagne et en Suisse par un certain nombre de caisses d'assurance maladie en tant que thérapie complémentaire à la médecine anthroposophique .
Sources
Les sources principales pour l'Eurythmie de la parole se trouvent rassemblées dans "Die Entstehung und Entwicklung der Eurythmie" . On y trouve les premiers exercices donnés en 1912 (cours dionysiaque) et 1915 (cour apollinien) de R. Steiner. En langue françaises on note le livre "Eurythmie, éléments de base" de Annemarie Dubach. Le cours "Eurythmie, langage visible", donné par R. Steiner en août 1922, rassemble 15 conférences. "Eurythmie, chant visible" est le livre référent pour l'Eurythmie musicale. Il a récemment été réédité et rassemble sur 450 pages des conférences sur la musique (1923), et les conférences de l'eurythmie musical (février 1924). En outre, il y a plusieurs livres avec les chorégraphies de R. Steiner (formes) et des indications d'éclairage et de costumes.
1. Sylvia Barth, L'enfant en mouvement : pratique de l'eurythmie dans les écoles Steiner, triades,2000
2. (de) Helga Daniel, Übung macht den Meister, et Bewegt ins Leben,, Stuttgart, édition waldorf,2009
3. (de) Stefan Hasler, Gisela beck entre autres, Beiträge zur Eurythmiepädagogik, Stuttgart,
edition waldorf, 2016
4. *Kinesthésie : Perception des déplacements des différentes parties du corps, assurée par le sens musculaire et par les excitations de l'oreille interne.
5. Vitruve, De architectura, Livre I, chapitre 2
6. Renate Foitzik Kirchgraber, Lebensreform und Kunstlergruppierungen um 1900
7. Rudolf Steiner, Eurythmie
11. Rudolf Steiner, Die Entstehung und Entwickelung der Eurythmie (= GA 277a)
14. Tatjana Kisseleff, Ein Leben für die Eurythmie
15. (de) Rudolf Steiner, Eurythmie als sichtbare Sprache, Rudolf Steiner Verlag, 1990, p. 42
16. (de) Rudolf Steiner, Eurythmie als sichtbarer Gesang, GA 278, Dornach, Rudolf Steiner Verlag, 2016, 459 p.